Description
Le rapport entre la religion et l’environnement a intéressé les chercheurs à partir des années soixante. En 1967, le chercheur et théologien, Lynn White, a publié un article qui a eu beaucoup d’influence : « The historical roots of our ecological crises » (les racines historiques de notre crise écologique). C’est un article qui est très intéressant, très clair, avec une prise de position très tranchée, qui a créé bien sûr des réactions et animé tout un débat. La position de ce chercheur qui est chrétien vient accuser le christianisme et notamment le christianisme occidental d’avoir introduit des valeurs qui ont conduit à un modèle de développement considéré à l’origine des problèmes environnementaux. Il développe toute une analyse en partant du Moyen Âge. On entre en Europe occidentale dans une relation envers la nature qui était fondée sur l’exploitation et ensuite, il explique que le passage du paganisme vers le christianisme signifie l’abandon de l’idée que les objets, les êtres, les plantes, les animaux, ont une sorte de dimension sacrée. Ils deviennent des biens, des objets qu’on peut abîmer, détruire sans avoir d’état d’âme, ce qui bien sûr a conféré une très grande puissance à cette civilisation. Nous avons donc une prise de position qui est forte et qui a provoqué des réactions, notamment de théologiens. Le plus important n’est pas de savoir s’il a tort ou raison. Ce qui est important, c’est de dégager les liens entre la religion et l’environnement, c’est-à-dire, de montrer que les problèmes environnementaux viennent de notre attitude envers les différentes composantes de l’environnement. Donc, nous ne sommes pas uniquement confrontés à une question technique et économique, mais aussi à une question de valeurs et ces valeurs sont transmises à travers la religion. Même si nous ne sommes pas croyants, même si nous ne sommes pas athées, nous vivons dans des sociétés qui ont été fondées dans des cadres religieux. Les chercheurs nous démontrent, dans différents domaines, que les concepts, les visions, nos catégories intellectuelles et mentales, trouvent leurs origines, leur providence, dans nos visions religieuses. C’est une illusion de considérer que notre monde est coupé intellectuellement de la religion puisque, même si nous raisonnons de manière scientifique, nous trouverons toujours des sources religieuses à nos raisonnements et à nos idées. Cela nous conduit à la formulation d’une hypothèse, à un constat : si nous voulons résoudre la question environnementale, nous avons besoin de changer nos valeurs. Nous avons besoin de reconsidérer notre rapport avec le monde. Si les racines du problème se trouvent dans des approches religieuses, il faudrait traiter le problème à sa source. La chose est aisée d’un point de vue intellectuel, mais apparaît très compliquée d’un point de vue pratique, parce que les valeurs se construisent sur le long terme. Et nous ne pouvons pas dire du jour au lendemain que nous allons changer ce que nous observons. C’est plutôt l’inverse. C’est-à-dire que cette exploitation occidentale de la nature se diffuse partout dans le monde. Nous voyons que les civilisations et les sociétés qui avaient préservé pendant longtemps une autre attitude envers la nature, en Chine, en Orient, sont maintenant en train d’adhérer, au contraire, à cette prédiction, à cette logique occidentale. Donc, là aussi, nous aboutissons à une impasse. Même si nous établissons un diagnostic à partir de la religion, la thérapie n’est pas évidente. Comment changer les valeurs qui constituent l’aspect le plus résistant au changement ? Il est vrai que pour les grandes questions et les grands problèmes, il n’existe pas de réponse facile. Il ne faut pas avoir l’illusion que par miracle nous pouvons trouver des solutions. C’est justement parce que les solutions sont difficiles à trouver que les problèmes sont graves.